Un congrès sous le signe de la paix

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Paix

Depuis que l’armée de Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine, la question de la paix prend une résonance particulière. À l’issue d’un travail collectif, une motion a été adoptée, rappelant l’exigence du désarmement et d’une répartition juste des richesses, comme conditions sine qua non d’un monde pacifié.

Alors que chacun a en tête les terribles images de bombardements en Ukraine et de populations désespérées  fuyant  pour échapper à la mort, le rapporteur du projet de la motion sur la paix, Laurent Hérèdia, a tenu à souligner que le conflit qui sévit actuellement au cœur de l’Europe n’est pas la seule motivation de cette initiative proposée au congrès. Celle- ci n’a rien d’opportuniste. « Depuis toujours la CGT s’est engagée pour le droit à la paix, à la sécurité et à la liberté de circulation de tout être humain », a-t-il rappelé. Comme le précise le texte proposé à la discussion, ce sont toujours les plus pauvres qui sont les premières victimes des guerres et du cortège de misère qu’elles engendrent. En ce sens, le mouvement syndical a donc un rôle à jouer, avec une contribution spécifique en direction des travailleurs de tous les pays. En effet, les organisations syndicales sont le lieu même de la lutte contre la pauvreté, l’érosion des droits, le chômage et le désespoir qui sont le terreau sur lequel prolifèrent les idées belliqueuses.
« Nouer des alliances et des coopérations avec les travailleurs des autres pays, dont les problématiques sont semblables  à  toutes celles des victimes de  l’exploitation capitaliste, est aussi un de nos enjeux en tant que syndicalistes, note Fabrice Guyon, membre du groupe  de  travail  sur la paix. Car plus on se connaît, moins on     a envie de s’entre-massacrer. Cela permet de mettre en échec des projets guerriers. »
« Des courriers ont été envoyés aux syndicats russes et ukrainiens pour leur apporter notre soutien, précise Muriel Marcilloux, également membre de ce groupe de travail. On ne peut pas citer tous les conflits, tant il y en a dans le monde, mais il faut rap- peler que l’on a toujours été aux côtés des peuples victimes de la guerre où que ce soit. Partout, il faut éviter toute surenchèreet travailler autour d’une ambition internationale et collective. Avec diplomatie et dialogue. »
Construire ce monde de  coopération  et de partenariats passe par une attention particulière au changement  climatique qui provoque des déséquilibres sociaux, des famines, des déplacements de populations qui sont sources de tensions. Il s’agit donc de garantir le droit au libre accès aux ressources naturelles comme l’eau potable et un sol non pollué, seul moyen de prévention durable des conflits. Et cette culture de la paix doit être dotée d’institutions dédiées afin de promouvoir de manière concertée le désarmement généralisé et la dissolution des alliances militaires, notamment celle de l’OTAN. La FNME-CGT demande dans un premier temps le retrait de la France de ce bras armé du capitalisme occidental qu’est l’alliance atlantique et réaffirme l’importance du droit international et le rôle essentiel que joue l’ONU, dont certaines décisions, notamment concernant la Palestine ne sont pas respectées.
Largement partagée et attendue par les congressistes, la réaffirmation de ces principes n’a cependant pas été sans alimenter des réactions dans la salle permettant d’enrichir et de préciser le texte proposé. Quand il s’agit de bien définir les valeurs dans lesquelles ils se reconnaissent, les
militants  sont  précis,  et  pointilleux !
À la mesure de leur engagement et de leurs convictions. Ainsi, Clarisse Delalonde,  du syndicat R&D d’EDF affirme : « On a une responsabilité particulière dans notre fédération car l’un des enjeux des guerres est souvent l’accès à l’énergie, que ce soit le pétrole ou le gaz, comme c’est le cas aujourd’hui pour ce qui concerne la Russie et l’Ukraine » et propose de bien pointer« le rôle néfaste de l’OTAN dans la guerre en Ukraine, tout en rappelant bien sûr la responsabilité de Poutine sur laquelle il ne doit y avoir aucune ambiguïté. » « Il faut écrire clairement qu’avec d’autres syndicats et associations, nous militons pour   le désarmement unilatéral et notamment nucléaire. C’est bien que ce soit notre fédération qui dise cela ! » appuie Patrick Picard du syndicat FNME-CGT 91.
Friande   de   citations   Clarisse reprend :
« Comme disait Jaurès « Le capitalisme porte en son sein la guerre comme la  nuée porte l’orage », c’est bien ce que l’on constate car les plus pauvres sont les premières victimes des guerres qui révèlent et accroissent les inégalités. Il ne faut donc rien lâcher sur nos revendications sociales, inscrivons-le clairement ! » L’enjeu est  en effet de taille. Le conflit en Ukraine pourrait servir de prétexte à l’exécutif pour réclamer des « sacrifices ». Autre- ment  dit  la  remise  en  cause  des acquis sociaux concernant les salaires et les retraites. « Nous condamnons l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes de Poutine, insiste Patrick Champion, du syndicat CGT Énergie 94, mais nous condamnons également le vote de budgets de guerre supplémentaires en Allemagne et aux États-Unis, tout comme l’envoi de troupes à la frontière… Nous n’accepterons aucun sacrifice car nos moyens manquent dans tous les services publics comme la santé, l’éducation etc. Aucune union sacrée avec Macron au nom de cette guerre ! »
Florence Marois de la FNME Midi-Pyrénées tient ainsi à rappeler que « la CGT est signataire d’un appel avec le mouvement de la paix pour que le gouverne- ment français ratifie le traité d’interdiction des armes nucléaires ». Et aussi qu’il est important d’envoyer « un message de solidarité et de soutien à la population ukrainienne qui souffre terriblement mais aussi un coup de chapeau aux Russes qui manifestent contre la guerre dans leur propre pays, au péril de leur liberté voire de leur vie. » « Ça, c’est du vrai internationalisme! », s’exclame la syndicaliste sous les applaudissements de la salle.
Autre conséquence des conflits : les mil- lions de personnes déplacées. Patrick Picard insiste sur le fait que « la guerre livre les plus  fragiles  non  seulement  à  la misère mais aux migrations forcées,aux trafics de drogue et à l’exploitation sexuelle… » L’idée est bien sûr  de  ne  pas faire de ces victimes des guerres, des coupables ou des criminels en puissance comme s’emploient si bien à le faire les partis d’extrême droite à travers des dis- cours nationalistes et racistes. Rejeter toute idée de « tri » entre les réfugiés est une des préoccupations majeures des congressistes. « Il faut que l’on note que dans le monde entier, et pas hélas qu’en Ukraine, des millions de personnes sont frappés par les conséquences de la guerre et n’ont d’autre alternative que l’exode. C’est aussi le cas au Yémen, en Érythrée, au Kurdistan, en Afghanistan… », s’accordent à dire celles et ceux qui se succèdent au micro.
Michel Frat, du syndicat de Marseille tient à ce qu’un mot soit ajouté à propos de la situation des milliers de personnes qui perdent la vie en tentant de rejoindre l’Europe via la Méditerranée « faute de pouvoir être sauvé par des bateaux dont l’Union européenne entrave les  actions de secours » A ce sujet, « nous ne devons plus employer le mot migrant. Ce terme est instrumentalisé pour opposer réfugiés et migrants alors que ces personnes qui fuient leurs pays frappés par la misère et la guerre vivent les mêmes souffrances et devraient avoir tous les mêmes droits », préconise Nicolas Le Vern du syndicat CEA de Marcoule. Et Florence Marois d’abonder en proposant d’agir en solidarité concrète avec ceux qui arrivent sur le territoire français en ayant tout perdu « Il faut mettre nos institutions à leur disposition », réclame-t-elle.
Une proposition sur laquelle Erwan Dupont, en charge de la commission inter- nationale et des solidarités au sein des Activités Sociales de l’énergie, rebondit immédiatement. « Déjà en  2016,  après  le démantèlement de la jungle de Calais nous avons mis 3 000 places à disposition de l’État. La solidarité est dans notre ADN, nous répondons toujours favorablement quand il s’agit d’héberger celles et ceux qui en ont temporairement besoin, que ce soit des exilés, mais aussi des victimes d’in- tempéries ou tout simplement des enfants envoyés par le secours populaire français (SPF) en vacances avec les enfants de nos bénéficiaires… Aujourd’hui nous venons de faire un état des lieux, pour évaluer combien de places nous pouvons proposer pour l’accueil des réfugiés ukrainiens. » À l’issue de cette discussion nourrie, le texte a été amendé et la motion votée à l’unanimité tandis que le président de séance Philippe Page Le Merour saluait « l’en- semble des interventions qui vous honore camarades et honore notre organisation. » Un exercice bel de démocratie et d’écoute mutuelle !
Eugénie Barbezat

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