Entretien de Sébastien Menesplier – Energies Syndicales n° 208 – Fév 2022

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MENESPLIER Sebastien

Le 7ème Congrès de la FNME-CGT se tiendra en mars prochain !

Risque de délestages électriques, relance des centrales à charbon, entrée du nucléaire et du gaz dans la taxonomie européenne, campagne des présidentielles et tenue du 7e Congrès en mars.

Face aux risques de délestages annon­cés cet hiver en France, qu’est-ce qui a changé par rapport à l’année 2021?

Sébastien Menesplier : Sur le front de la production énergétique, la situation en 2022 est malheureusement identique à celle de 2021. La disponibilité des capa­cités de production d’électricité pour répondre aux besoins des usagers demeure identiques. Mais des aléas sur l’état tech­nique de certaines centrales nucléaires en ce début 2022 ajoute un risque sur l’équi­libre de production/consommation, ce qui n’était pas le cas l’an dernier.
Depuis des années, la France manque de moyens de production. Cet hiver, plusieurs centrales nucléaires sont à l’arrêt pour des avaries techniques, des opérations de maintenance et/ou de renouvellement du combustible. Les décisions de la fermeture du CNPE de Fessenheim, de l’usine EDF du Havre et des sites de GazelEnergie sont des erreurs politiques aujourd’hui avérées.
Notre pays manque de sites de produc­tion pour répondre, hiver comme été, à la demande énergétique des usagers et des entreprises en augmentation constante. Force est de constater que nous n’avons plus les moyens de production qui nous permettaient de passer sereinement le pic de consommation qui avoisinait en janvier dernier les 83 GW.
Par ailleurs, il est incontournable de faire référence à l’actualité et à la décision du gouvernement tombée comme un couperet le 14 janvier dernier concernant EDF. Les concurrents d’EDF auraient dû investir dans des moyens de production en échange de leur accès à l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) depuis sa mise en place. Force est de constater qu’il n’en est rien! Au lieu d’affirmer un constat d’échec de la libéralisation du marché de l’électricité et de l’organisation catastro­phique de la concurrence libre et non-faus­sée (et de facto au lieu d’annoncer la sortie du marché concurrentiel) le gouvernement décide d’une offrande encore plus grande pour tous les concurrents d’EDF passant leur droit d’accès à l’ARENH de 100 TWh à 120 TWh pour soi-disant enrayer la hausse des prix de l’électricité qui devient insoute­nable pour tous les usagers. C’est une spo­liation de l’entreprise EDF assortie d’une aberration qui conforte l’incohérence des choix de l’État en matière énergétique. Le gouvernement, adoubé par le PDG d’EDF qui n’a nullement contesté ces choix devant les administrateurs, est donc totale­ment responsable des politiques qu’il a mis et met encore en place: la responsabilité du manque de moyens de production lui incombe et l’avenir d’EDF est encore une fois questionné car l’entreprise devient la variable d’ajustement pour le gouverne­ment en place, au détriment des salariés et des usagers.

Est-ce dire que notre système de pro­duction énergétique est en tension? 

S. M.: Oui. On pourrait même considérer que notre souveraineté énergétique est mise à mal par les choix opérés sous les présidences de Nicolas Sarkozy, de Fran­çois Hollande, et d’Emmanuel Macron. Depuis des années, nous considérons que la politique énergétique de la France ne répond pas efficacement aux besoins et aux attentes du pays et de l’intérêt géné­ral.

La situation est extrêmement tendue, et j’espère que nous ne serons pas confron­tés à des délestages. Si tel était le cas, cela veut dire que nous pourrions nous retrou­ver avec des départements ou des régions privés d’électricité plusieurs heures par jour. Sans parler que dans une situation pareille, si des arbitrages devaient être opérés il est nécessaire de rappeler qu’au­cun débat n’a eu lieu sur ce sujet avec les élus politiques et c’est inadmissible. Face à cette situation, le gouverne­ment a demandé à EDF et GazelEner­gie de relancer ses centrales à char­bon. N’est-ce pas l’opportunité de porter plus encore les projets élaborés par les salariés et la CGT à Cordemais ou Gardanne ?
S. M.: Bien sûr. La loi de 2015 sur la tran­sition énergétique impose à EDF, GazelE­nergie ou tout autre opérateur de fermer ses centrales aux charbons. Aujourd’hui, on constate qu’il n’y a pas d’autre choix que de demander à ces unités de tourner à plein régime pour répondre aux besoins. C’est un fait! Actuellement, la production pilotable nucléaire ne suffit pas et la production intermittente éolienne ou photovoltaïque encore moins surtout en période hivernale.

Face à cette situation, le gouverne­ment a demandé à EDF et GazelEner­gie de relancer ses centrales à char­bon. N’est-ce pas l’opportunité de porter plus encore les projets élaborés par les salariés et la CGT à Cordemais ou Gardanne ?
S. M.: Bien sûr. La loi de 2015 sur la tran­sition énergétique impose à EDF, GazelE­nergie ou tout autre opérateur de fermer ses centrales aux charbons. Aujourd’hui, on constate qu’il n’y a pas d’autre choix que de demander à ces unités de tourner à plein régime pour répondre aux besoins. C’est un fait! Actuellement, la production pilotable nucléaire ne suffit pas et la production intermittente éolienne ou photovoltaïque encore moins surtout en période hivernale. Ce qui est dramatique, c’est que cette loi de 2015 limite à 750 heures par an l’ampli­tude de production autorisée par centrale à charbon. Une réflexion est menée pour que Cordemais puisse fonctionner jusqu’à 2 000 heures en 2022 pour répondre à la demande. Comment alors ne pas dénoncer l’absurdité des décisions précédemment citées?
Il serait temps que le gouvernement et les entreprises comme EDF ou GazelEnergie se penchent une bonne fois pour toutes sur les projets portés par les travailleurs et la CGT. Nous avons des propositions de reconversion de ces sites vers une autre forme de production d’électricité respectueuse de la transition écologique et de la prise en compte du dérèglement climatique. Ni l’État, ni les entreprises concernées ne veulent croire en ces pro­jets, alors qu’ils sont viables, reconnus par les experts et clairement indispensables à l’équilibre du marché à l’heure où le gou­vernement n’a tout simplement aucune autre proposition!
La Commission européenne se posi­tionne sur la taxonomie intégrant le nucléaire et le gaz dans les énergies vertes. Votre commentaire?
S. M.: C’est une première étape que j’es­time positive pour les deux filières. De manière théorique, l’électricité produite par la filière nucléaire est une énergie verte qui répond aux besoins des États.
Je dirai que l’Europe prend conscience – enfin – qu’il faut faire évoluer les choses. Espérons que la volonté politique de reconnaître la reconversion vers le bio­gaz sera viable. Cette première étape en appelle d’autres. Elle doit inciter les États européens, à l’image de la France, à inves­tir dans ces deux filières industrielles que sont le gaz et le nucléaire. Si l’Europe valide cette taxonomie, les États devront en tenir compte dans l’élaboration de leur politique énergétique. La sémantique a énormément de poids sur ce sujet car si le nucléaire et le gaz sont aujourd’hui recon­nus dans la taxonomie, le gouvernement français par la voix de la ministre Barbara Pompili a encore affirmé le 11 janvier sur BFM qu’il ne reconnait pas pour autant ces énergies comme des énergies renouve­lables, alors que pour la FNME-CGT elles devraient l’être!

2022 est une année politique et sociale. Depuis le 25 janvier, un slo­gan pour la FNME-CGT: être offensifs, solidaires, engagés et renforcés ! Le pouvoir d’achat des agents, une priorité?
S. M. : Oui, c’est une priorité. Les énergé­ticiens, les mineurs, travailleurs actifs ou retraités sont, comme tous les Français, confronter à une baisse de leur pouvoir d’achat.
À l’heure de négociations salariales dans les entreprises de la Branche des IEG, nous constatons globalement, malgré des petites avancées qui doivent profiter aux travail­leurs, que les propositions portées des employeurs sont en deçà des 2,8 % d’infla­tion relevée par !’INSEE.
J’invite donc tous les salariés à exprimer leur colère et à se mobiliser le 25 janvier pour exiger au moins 10 % de revalori­sation des salaires et des pensions. Les retraités sont aussi concernés par la reva­lorisation des minimums de pensions. Au-delà de ces aspects, les questions de classifications, de rémunérations et du sens au travail demeurent. Aujourd’hui, des accords de télétravail sont négociés dans les entreprises des IEG sans contre­parties, indemnités significatives, moyens matériels et financiers pour les salariés. Ce n’est pas normal et c’est d’ailleurs pour cela que les revendications des salariés en télétravail sont portées dans les préavis de grève locaux et nationaux. 2022 s’annonce très offensive. Cela aidera aussi à renforcer la CGT.

2022 sera également marquée en avril prochain par l’élection présidentielle. Comment la FNME-CGT appréhende ­t-elle cette échéance politique?
S. M.: De manière très positive. Les luttes menées l’an passé contre les projets Her­cule et Clamadieu, nous ont permis d’in­terpeller de nombreux élus locaux et natio­naux.
Que les questions du prix de l’électricité et du gaz, des besoins de production éner­gétique industrielle s’invitent dans les débats de cette élection présidentielle est une bonne chose.
À présent, c’est aux travailleurs et aux retraités d’agir et de voter pour le bon ou la bonne candidate, en mettant de côté les extrêmes et tous ceux, qui mis à part faire dans le populisme, n’ont en réalité aucune volonté de faire avancer le système énergé­tique du pays dans le sens du projet porté par la FNME-CGT.
Rapidement, nous interpellerons ceux et celles qui auront obtenu leurs cinq cents signatures et seront déclarés officiellement candidats, notamment pour leur rappeler les orientations du projet porter par la FNME-CGT, le Programme Progressiste de ]’Énergie réellement ambitieux et porteur de propositions concrètes.
Nous avons décidé d’être actifs dans cette campagne, de porter nos revendications et de faire en sorte que les enjeux énergé­tiques du pays deviennent une réalité dans le débat des présidentielles.

Pour les syndiqués et les syndicats, cette échéance est une belle oppor­tunité pour porter le Programme progressiste de l’énergie (PPE) de la FNME-CGT.
S. M.: C’est en effet une aubaine, et il ne nous faut surtout pas rater le coche. Ce qui est intéressant, c’est de voir que des maires, des sénateurs et des députés nous ont accompagnés contre les projets Hercule et Clamadieu. Nos propositions contenues dans le PPE sont reprises parfois dans leur programme. C’est de bon augure.
Il me semble intéressant que demain, sala­riés et retraités ne votent pas utiles mais pour une ou un candidat porteur d’un programme dans lequel ils retrouvent les orientations du Programme progressiste de l’énergie.

En mars aura lieu le 7• Congrès de la fédération à Clermont-Ferrand. Dans quelles conditions se tiendra-t-il?
S. M.:
A ce jour, les conditions sanitaires dans le pays ne nous permettent pas de dire que le congrès se tiendra dans les formes habituelles et normales. Cepen­dant, il se tiendra même si c’est dans une forme dégradée en mode Covid, essentiel­lement tourné vers les délégués et les Syn­dicats.
Après cinq ans de mandature, ce congrès est essentiel pour renouveler l’équipe diri­geante de la Fédération et repartir avec des orientations politiques qui s’inscrivent dans le prolongement de celles votées au 6ème Congrès à Nantes. Nous avons besoin de nouvelles orientations élaborées à partir de notre Programme progressiste de l’éner­gie, pour le tourisme social et l’ensemble du champ revendicatif. Nous avons besoin d’un congrès dont les travaux soient ancrés sur notre qualité de vie syndicale, néces­saire et indispensable pour le fonctionne­ment et le renforcement de la CGT.

Propos recueillis par Stéphane GRAVIER

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